lundi 4 février 2013

De la disparition du cheval au cinéma

Cheval de Guerre - Steven Spielberg

L'idée de cet article vient d'un constat. Celui récurrent des plaintes déposées par le peuple cavalier du manque de films racontant le cheval. J'utilise ces termes précis car il est besoin dans ce cas de traiter le sujet avec précaution. Si le cheval comme personnage est réclamé à corps et à cris dans le cinéma, ce n'est pourtant pas qu'il manque à l'écran. Il règne même par son omniprésence dans un cinéma de genre qu'est la reconstitution historique. Mais le cheval n'y est pas personnage, il y est objet, moyen de transport, figurant. Et c'est bien là, l'état des choses. Le film historique rend compte d'une époque où le cheval faisait partie du paysage comme la voiture actuellement. Il n'était pas l'objet d'une passion, d'un amour peut-être par quelques écuyers se sentant bien seuls dans leurs préoccupations de bien-être. Maintenant, le cheval se vit le long des voies ferrées lors d'un trajet en train. Il n'est plus part du commun des mortels et évidemment, cela se ressent dans le cinéma qui se veut l'art populaire. D'où sa présence laconique à l'écran. Celle-ci étant immédiatement tributaire d'une image idem à celle de l'équitation : réservée à un public averti.

Et ce n'est pas une réputation sortie de nulle part. Sans fréquenter d'autres milieux aussi fermés et sûrement sans en avoir besoin, c'est toujours avec amusement que je lis les avis passionnés des cavaliers dès qu'un naseau pointe à l'écran. Le cavalier fait au film équin ce que l'historien se perd à faire avec le film médiéval : accorder la plus haute importance au réalisme. Encore ici, j'évoque ce mot "réalisme" car, trop souvent, un certain public perd de vue ce qui est à rechercher dans le cinéma de fiction et non dans le documentaire et ce n'est certainement pas la réalité. Mais je m'en amuse, je ne m'en désole pas, car je ne peux m'empêcher de noter une mauvaise assiette, des éperons plantés dans le ventre ... seulement si cela éprouve mon regard de cavalière, il n'en est en rien pour ce qui est de la critique de cinéma. Tout n'est plus alors question pour moi que de cadrage, photographie, rythme. Et c'est dans cette opposition que se trouve le paradoxe du film équin reçu par les cavaliers. Il y a une incapacité à satisfaire à la fois le cœur de l'homme de cheval et celui de l'homme de cinéma. Un terrain d'entente se trouve dans le documentaire trop souvent délaissé, trop souvent regardé sans plus d'intérêt qu'un reportage. Qui veut rêver de la réalité ?

C'est sur le cavalier spectateur que je me suis concentrée mais quid du film équin alors ? Je pense que la séparation est à faire entre le film d'équitation qui présente le cheval dans un contexte très ancré dans une réalité du monde équestre ( Danse avec lui, Sport de filles récemment ) et le film de "cheval" que j'appelle comme cela car plus resserré sur l'animal en lui-même ( Hidalgo, L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux ). Je mettrais encore sous une autre catégorie le film de courses car si le fait de recentrer l'action sur le couple cheval/jockey comme dans Seabiscuit fait perdre quelques turfistes à l'entrée, c'est encore un milieu différent. J'en reviens donc à mon premier clivage. Si le film équin ne fait visiblement pas que du bien au cinéma, il y a tout de même une constatation à faire : lorsque le cheval est mis au centre comme un compagnon, le public est beaucoup plus présent que sur des films en milieu équestre. De là, ma boucle vient se boucler : le spectateur ne s'intéresse pas à la particularité d'un appuyer ou aux papiers d'un Selle Français. Il est perdu lorsqu'on ne lui parle pas sa langue. Mais ceci se réglerait bien facilement si ces films soudaient leur intrigues au lieu de se perdre dans ces détails. La communication est essentielle et sans elle, vient la lassitude et l'énervement.

De souligner la médiocrité des films équestres qui ne savent pas trop par quel sabot prendre leur sujet et de constater l'attente paroxystique et la déception inévitable des cavaliers spectateurs, je me dis que la disparition du cheval au cinéma n'est que le résultat de cette équation. Et je pense aussi que la direction vers laquelle regarder n'est pas la bonne. Étant moi-même praticienne et ayant utilisé le cheval à des fins artistiques que ce soit photographique ou filmique, j'ai la sincère sensation que l'animal se suffit à lui-même. Et qu'il faut lui ôter ses étiquettes et ses harnachements pour lui donner une identité nouvelle. Si il n'est acteur car il n'a pas conscience, il est en tout cas sujet. Et ce sujet n'a pas besoin d'être entouré de son contexte. Car il est avant tout individu. Les animaux ont cela de merveilleux qu'ils dévoilent une vérité devant la caméra contrairement à l'homme qui a la conscience de celle-ci. Pourquoi vouloir à tout prix les manipuler pour vouloir recréer de la réalité ? Je tire personnellement du cheval ce qu'il à me donner de réalité pour l'implanter dans le rêve qui relève de ma propre vision personnelle. Et c'est là à mon avis que doit se poser le dilemme de tout un chacun : vouloir la réalité ou créer le réalisme ?

jeudi 15 novembre 2012

Le dressage et son mythe

© Cerbère - Carlos Pinto et Notavel à Cheval Passion



L'article que je consacre aujourd'hui au dressage va sembler d'une simplicité effarante aux initiés. Parce qu'il ne s'adresse pas à la technique mais au coeur des cavaliers. Dans cet instant suspendu entre la nostalgie d'un temps révolu et la grâce de nouvelles sensations. Quand tout devient plus difficile dans son concept et plus facile dans sa réalisation. Quand le cheval donne tellement et qu'il semble qu'il y ait toujours plus à prendre. Et quand le cavalier se sent centaure sans oublier qu'il appartient à la terre.

Dix ans. C'est approximativement le temps que j'ai considéré nécessaire pour être à peu près regardable à cheval. Et dix ans, c'est long. C'est une carrière de sportif. C'est plus qu'un doctorat. Faut-il bien être masochiste pour endurer une dizaine d'années de travail avant un résultat loin de la satisfaction intégrale ? Peu de sports sont régis par une telle exigence. Mais quand je parle de sport, je ne parle pas de l'équitation dans sa globalité dans laquelle le loisir est tout à fait intégré. Je parle ici de dressage.

Et de Dressage avec un grand D. Parce que c'est comme cela qu'on le voit quand on est jeune cavalier. Une entité peut-être noble mais surtout lointaine et effrayante. C'est la faute ou la cause à l'approximation de notre apprentissage tout neuf. Le Dressage, c'est enrobé de termes gros comme lui. Ça cause Pirouette, Piaffer, Passage. Et puis, ça va avec tout son folklore. Une Bride, des Eperons, un Chapeau. Grand diable, comment est-ce que cette forme patatoïde que j'essaye de rendre cercle pourrait entrer dans les prémices de cette institution ?

Tous les cavaliers pratiquent le dressage, c'est plus ou moins la fonction de son intitulé fourre-tout qui vaut des regards interrogateurs de tout non-initié. Mais tous ne sont pas cavaliers de dressage. J'évoque le "mythe" du dressage car je crois réellement que cette discipline relève de cette idée plus qu'une autre. C'est déjà ces croyances de jeune cavalier au couple centaure que l'on voit enchaîner figures sans que rien ne semble indiquer communication entre les deux si ce n'est celle intuitive. Puis, c'est l'accès à la connaissance, aux premiers émois, bribes d'airs et de figures. Qui viennent avec leur lot de méthodes et de gourous.

Je ne pense pas vous surprendre, amis lecteurs, en considérant que le milieu du dressage est tout particulier dans son fonctionnement qui peut s'apparenter à celui d'une religion. Pas d'une secte, ce serait croire que tout le monde suit la même logique. Non, le dressage, c'est la chrétienté, les adeptes du dressage moderne, les protestants, ceux du dressage classique, les catholiques ( ou vice versa ) et le reste fait sa petite recette dans son coin avec plus ou moins de radicalité. Je vais trop loin ? Mais n'est-ce pas en dressage que sont évoqués textes fondateurs et autres maîtres écuyers ?

Au début, je crois en Dieu. Puis, j'apprends que c'est peut-être pas tout à fait comme c'est écrit dans la Bible. Et je continue de croire. Mais plus innocemment. Le dressage, c'est la même chose. J'admire les grands cavaliers. Et, plus j'apprends, plus j'en vois les ficelles, moins ils appartiennent au domaine du rêve. Mais je continue à fantasmer de cette transition passage-piaffer - même si elle avance un peu. Du coup, je suis moins radical. Je hoche la tête quand les pro-cordelettes s'indignent contre la bride. Nous n'avons pas la même croyance mais nous pouvons vivre en paix.

Et pourtant, le dressage, c'est le théâtre de croisades régulières pour sa méthode, contre les autres. Puis, aussi, contre les autres disciplines tant qu'à faire. Bien sûr, il y a les modérés, ceux qui font moins de vagues, qui enchaînent tranquillement leurs gammes dans le coin de leur manège. Jusqu'à ce qu'on sorte fourches et bûcher pour une photo ou une vidéo qui, pour une raison ou une autre - le plus souvent celle du manque de réseau - fustige la grande Académie du dressage. Car, tous, nous devrions nous cacher : le dressage ne tolère que la perfection.

jeudi 5 juillet 2012

Du manque d'inspiration


Oui, il y a beaucoup de carrés blancs sur ce blog.

Cet article sera bref. Comme vous avez pu le noter, chers lecteurs attentifs, ces dernières semaines ne sont pas à la hauteur de la floraison d'articles qui s'était entamée avec l'ouverture du blog. Je ne sais pas pour Pauline mais moi, je souffre cruellement d'un manque d'inspiration. Pas que pour écrire des notes, si ça peut vous rassurer. C'est la fin d'une année riche, lieu d'un gros travail d'écriture qu'était le mémoire. Et je crois que ce dernier ainsi que les dossiers de concours, l'ébullition photographique m'ont pompé toute mon énergie créatrice. Maintenant, c'est terminé et c'est le vide, le néant, plus d'obligation à tenir. Juste moi devant ma page blanche. Et je vais vous dire quoi. Ça énerve, ça retourne l'estomac, ça fait se sentir inutile. Mais ça fait foutrement du bien. Que de ne pas être obligé à réfléchir.

Trop de théorie, trop de mots, trop de réflexion. On essaye de mettre de l'intérêt dans tout, d'y trouver du sens. Puis, finalement, on s'oublie. Et depuis quelques temps, j'ai retrouvé mon être physique. J'ai arrêté de me percher dans les méandres de mon cerveau qui me donnait l'impression d'être une sorte d'entité intellectuelle sans corps. Et ce, dans la plus pure simplicité. Et la simplicité, elle ne se trouverait pas sous le sabot du cheval, par hasard, mes amis ? Je crois que si. Je crois que beaucoup de nos lecteurs ici sont au fait des larmes et des frustrations que peuvent créer l'équitation et la relation avec un animal. Mais celles-ci se montrent plutôt entre les moments passés avec eux. 

Pour moi qui pense définitivement trop, m'occuper d'un autre être vivant représente un moyen efficace de se focaliser. Je descends de cheval et je me dis "à quoi ai-je pensé tout ce temps ?" et la réponse, c'est "à rien". Je n'ai pas l'impression de penser, de réfléchir à proprement parlé même si c'est toujours le cas. Ce que fait ressortir l'équitation chez moi, c'est l'instinct. J'apprends la théorie mais une fois que je suis perchée, c'est l'instinct qui résonne, qui me fait corriger, qui donne des informations à mon corps. Et ce, avant même d'avoir l'impression de pouvoir les analyser. Et ça fait du bien, de "savoir" la réponse, et de ne pas la chercher.

Donc, merci Ténérife d'être un gros bébé pataud qui a besoin d'être cadré. Merci Prisca de m'offrir cet espace de liberté. Et de me faire faire les boxes de temps en temps, qu'il n'y ait qu'une seule chose qu'il me vienne en tête "quel gros crado, comment je suis censée trier ?". Et cet article n'était pas si bref, la preuve que j'ai encore des choses à dire ! A bientôt pour, je pense, une pause photographique avec Beaucaire, des crins longs et un air qui donne envie de s'exclamer : Olé !

mercredi 20 juin 2012

Date de péremption

Bon le titre est volontairement de mauvais goût, mais il recouvre une certaine réalité. En dressage, il existe une date de péremption. Pour les chevaux, mais aussi pour les cavaliers.



Un style marque une époque... et la discipline continue d'évoluer, les jugements, les chevaux, les regards, les techniques...
Le retour d'Anky van Grunsven à Saumur n'a pas été à la hauteur des attentes de son entraîneur, et Isabell Werth songe à arrêter la course aux J.O. faute de pouvoir égaler les nouvelles étoiles allemandes de la discipline.

Je pense à ces deux cavalières car elles ont tout gagné, et qu'on aime ou non leur équitation (à titre personnel c'est "non", mais je ne peux que m'incliner devant la force de travail qu'il faut pour se propulser à ce niveau et ce aussi longtemps), elles ont permis au dressage de sortir de la naphtaline dans laquelle il baignait.

Et ce constat, je le fais aussi pour d'autres cavaliers. Récemment je regardais des vidéos d'un écuyer du XXe siècle. La séance de travail était intéressante, le résultat aussi. Mais franchement, ça ne me vendait pas du rêve comme on dit. Et pourtant, si on m'avait demandé ce que je pensais de l'écuyer en question quelques années auparavant, j'aurais probablement dit quelque chose comme "waaaaouh".

J'imagine que cette date de péremption est simplement le reflet d'une vision personnelle, de mon oeil, bref, que chacun d'entre nous possède sa propre sensibilité à ce sujet et que rien n'est figé, mais toujours en évolution.

Sommes-nous périssables dès lors que quelqu'un fait mieux, ou simplement lorsque nous cessons d'apprendre et d'évoluer ? Je n'ai pas la réponse, mais je reconnais que la question me travaille.







dimanche 3 juin 2012

Une leçon

bienveillance, nom féminin :
Définition : disposition d'esprit inclinant à la compréhension, à l'indulgence envers autrui.


Synonymes : affabilité, aide, altruisme, amabilité, amitié, bénévolence, bénignité, bienfaisance, bon accueil, bonne volonté, bonté, bon vouloir, charité, clémence, coeur, complaisance, compréhension, condescendance, cordialité, débonnaireté, dévouement, douceur, faveur, générosité, gentillesse, grâce, honnêteté, humanité, indulgence, intérêt, magnanimité, mansuétude, obligeance, ouverture d'esprit, prévenance, sympathie, tolérance.

Pour le commandant Licart, la bienveillance devait être une des qualités primordiales d'un dresseur.

Sommes-nous toujours bienveillants à l'égard des chevaux ? Je crains que la réponse soit négative. Peu de gens peuvent se targuer d'avoir un calme à toute épreuve, une bienveillance sans faille... et surtout sans que ces qualités ne soient issues de très longues années de pratiques équestre où elles ont pu briller par leur absence. Une découverte amenée par l'experience... mieux vaut tard que jamais, mais tôt aurait été préférable.

Et au delà de la bienveillance envers les chevaux, il en va aussi de la bienveillance que l'on peut avoir pour soi-même en tant que cavalier. Accepter ses erreurs, ses lacunes, ne pas placer la barre au sommet de l'Everest, ne pas blâmer le cheval par mauvaise foi.

Si j'ai un garde fou pour la première option qui est de descendre quand je sens que ça ne va plus, je suis une grande spécialiste de la seconde... qui m'amène bien évidement à la première. Et le cercle vicieux démarre ainsi.
Entre hier et aujourd'hui, j'ai pris une bonne leçon de bienveillance. Leçon que je partage, si elle peut servir à qui que ce soit.

Hier j'étais donc à cheval sur T. un gros KWPN aussi talentueux que froid (et inversement). Le genre Die Grosseuh Machineuh doté d'un diesel de sous-marin. Top quand il est en route, encore faut-il le démarrer.
Hier le moteur est resté froid, hier le chef était dans le manège et montait pendant que je montais. Hier j'ai eu honte de moi et j'enrageais à l'idée de ne pas arriver à obtenir le quart du dixième de ce que je peux avoir quand je suis seule. Hier j'ai préféré renoncer dans l'amertume. Le chef a résumé ça par un laconique "tu fuis". Qui s'en est suivi par une conversation sur l'acceptation et la bienveillance.
Je suis rentrée chez moi d'une humeur de chien.
J'ai mis la nuit pour digérer.

Aujourd'hui je me suis dit "je m'en fous, je prends ce qu'il me donne".  Voyant que ça démarrait aussi mal j'ai refais mes bases, mes gammes, j'ai cherché une solution en acceptant que le diesel ne se lance pas comme je le voudrais.
Au bout d'une quinzaine de minutes de solfège tranquille (et bienveillant !), T. s'est mis tout seul dans un nouveau trot rassemblé. Pas un trot "Holywood", pas un trot de grosse mécanique comme il sait le faire, juste un joli trot sobre aussi agréable à regarder qu'à monter. Un trot que je n'avais jamais eu avec lui, et dont la découverte m'a enchantée.
Peut-être que ce trot là ne reviendra pas demain, peut-être que si. Mais ça n'a aucune importance, la leçon du jour n'était pas ici.

La leçon du jour était une leçon de bienveillance, aussi nécessaire pour l'humilité que pour l'estime de soi. Les deux vont très bien de paire et je remercie T. de me l'avoir expliqué et de m'avoir réconciliée avec moi-même.



Note : un peace tie dye je trouvais que c'était très indiqué pour illustrer cette note pleine de mièvrerie. Et puis ne faites pas les rabat-joie je suis sure que ça vous rappelle vos beaux t-shirts javelisés des années 90 !